Acte
1 Scène 1
Lumière
style douche sur un officier allemand. Celui-ci s’avance face public et se met
au garde à vous.
Curd
Major Feldmann,
commandant du 5ème bataillon de la 1ère armée positionnée
prés de Bapaume au moment de la bataille de la Somme. Je relate que ces
événements aussi incroyables qu’ils paraissent sont véridiques. Et en mon âme
et conscience, bien que je cherche aujourd’hui encore la cause et le pourquoi,
je peux affirmer que cette épreuve a changé ma vision de la guerre. J’ai
rencontré un torrent de boue et de poussière où se sont mêlés l’absurdité et
l’aveuglement. L’inutilité des morts et la fatalité des décisions. Mais aussi
la solidarité d’un homme et la compassion d’un ami. (Un temps. Il soupire). Le jour où j’ai rencontré le 2nd classe
Emile Préjean, je l’ai tué.
Noir.
Acte
1 Scène 2
Lumière
sur une tranchée allemande partiellement détruite. On retrouve l’allemand, dans
un uniforme abimé, assis contre un tas de planches. Il tient un fusil contre
lui et grimace une main sur une jambe. Il regarde autour de lui et appelle.
Curd
Hauptmann ?
Oberleutnant ? Hans ?
On attend du bruit à cour. Il redresse son fusil et
le tient dans la même direction. Un soldat français, bedonnant et l’air placide,
arrive les mains en l’air.
Emile
Non !
Ne tirez pas ! Ecoutez-moi !
Curd
N’avancez
plus ! Hauptmann ! Hans !
Emile
C’est
inutile. Il n’y a plus que nous deux. Tout le monde est mort durant le raid aérien.
Curd
Je
vous ai dit de ne plus avancer ! Hans ! Hans !
Emile
Nous
n’avons que très peu de temps.
Il continue à avancer vers lui. L’allemand a le
regard apeuré, il regarde autour de lui.
Curd
N’avancez
plus !
Il tire. Le soldat français s’effondre.
Noir.
Acte
1 Scène 3
Lumière
sur la tranchée. On retrouve Curd toujours assis contre un tas de planches. Il
tient toujours son fusil contre lui et grimace une main sur une jambe. Il
regarde autour de lui et appelle.
Curd
Hauptmann ?
Oberleutnant ? Hans ?
On attend du bruit à cour. Il redresse son fusil et
le tient dans la même direction. Personne ne vient.
Curd
Hauptmann ?
Hans ?
Le soldat français arrive sans bruit du fond de la
scène, l’allemand lui tourne le dos. Quand il est assez près, il se jette sur lui.
Ils se battent un instant au corps à corps. Le français crie, blessé par la
baïonnette, puis reprend l’avantage et immobilise l’allemand tenant le manche
du fusil contre sa gorge.
Emile
Ça
suffit maintenant ! Ecoutez-moi !
Curd
A
moi ! Hauptmann ! Hans !
Emile
Il
n’y a plus que nous deux. Tout le monde est mort durant le raid aérien.
Curd
Lâchez-moi !
Lâchez-moi !
Emile
Pas
avant que vous m’ayez écouté.
Curd
Je
n’écouterais rien tant que vous ne me lâcherez pas !
Emile
Tête
de mule de tête de Boche ! Dans vingt minutes, nous serons morts tous les
deux !
Curd
Quoi ?
Emile
Des
gaz vont être lâchés par mon commandement. Afin de nettoyer cette ligne et que
vous ne puissiez pas vous y réinstaller. Nous devons trouver un moyen de sortir
d’ici.
Curd
Lâchez-moi !
Vous m’étranglez !
Le soldat français le relâche et se relève en
grimaçant, tenant le fusil tandis que l’allemand reprend son souffle.
Emile
C’est
malin. Vous m’avez blessé avec votre baïonnette…
Curd (appelant)
Hans ! Hans ?
Un temps puis
il se redresse et regarde en arrière prenant conscience des dégâts. Il paraît
soudain résigné.
Emile
Ecoutez-moi
….
Curd
Morts…tous…je
suis le seul survivant….Qui êtes-vous ?
Emile
2nd
Classe Emile Préjéan…bon sang…nous perdons un temps fou…
Curd
Comment
savez-vous que votre État-major va utiliser les gaz ?
Emile
Je
le sais…
Curd
Je
ne vous crois pas.
Emile
Je
sais aussi que vous êtes le Major Feldmann. Que vous commandiez cette unité et
que le Hauptmann Hans Rosenberg était votre ami d’enfance…mais il est mort…
comme tous les autres. A cause de notre aviation.
L’officier allemand le regarde avec suspicion.
Curd
Vous
êtes un espion ?
Emile
Non.
(Il le fixe un instant) Bon sang, si
je pouvais me sortir de cette panade sans vous, croyez-moi, je le ferais.
Curd
Qu’est-ce
qui vous en empêche ?
Emile
J’ai
déjà essayé. Ça n’a pas marché.
Curd
Vous
êtes fou.
Emile
Peut-être…Mais
je ne mourrais pas ici. (Un temps.)
Avez-vous une radio ?
Curd
Quoi ?
Emile
Une
radio. Vous avez bien une radio ?
Curd
Oui…Non…Peut-être…le
soldat de liaison était dans l’abri sous-terrain. Allez voir….Mais vous espérez
quoi avec ?
Emile
Si
je trouve la bonne fréquence, je pourrais peut-être avertir mon commandement de
ne pas envoyer les gaz.
Curd
Pourquoi
devrais-je vous croire ?
Emile
Regardez
donc autour de vous. Pourquoi j’inventerais tout ça ? (Un temps) J’y vais. Pas d’entourloupe,
hein ?
Il s’éloigne prudemment à jardin, pénétrant dans des
décombres avant de disparaître.
Curd (observant
autour de lui)
Tout
ceci n’a aucun sens.
Il réfléchit puis se met à ramper. Il va jusqu’au
corps sans vie d’un soldat[1] et le fouille, cherchant quelque chose. Il finit par sortir un couteau
de combat qu’il regarde un instant.
On entend du bruit à jardin. Curd Feldmann cache le
couteau dans sa veste puis regagne sa place initiale.
Le soldat français revient des décombres avec un
masque à gaz et une radio en mauvaise état.
Emile
J’ai
trouvé ça. Dommage qu’il n’y en ait qu’un. Et cette radio…si j’arrive à en
faire quelque chose…
Il s’assoit à deux mètres de l’officier allemand.
Emile
Votre
jambe…Ça va ?
Curd
Ça
me lance, j’ai dû recevoir des éclats à l’intérieur.
Emile
Je
regarderais après. (Il consulte une
montre avec une chaine) Plus que huit minutes, ça va être encore court.
Il la range et commence à bidouiller la radio.
L’officier allemand le regarde faire.
Curd
Tout
à l’heure. Que vous vouliez-vous dire ?
Emile
Quand ?
Curd
Vous
avez dit que vous aviez essayé de sortir de cette tranchée sans moi mais ça n’a
pas marché.
Emile
Oui.
Je me suis fait tirer dessus.
Curd
Qui ?
Emile
Par
les vôtres, par les miens…Qui sait ?
Curd
Vous
n’êtes pas blessé pourtant.
Emile
Pourtant…
je suis mort.
Curd Feldmann regarde Emile Préjean intensément.
Curd
Vous
êtes fou.
Emile
Quoi ?
Vous croyez que c’est la première fois que l’on se rencontre ?
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